Incuber des œufs en altitude peut relever du défi si l’on ne prend garde aux paramètres d’incubation. Mais quelles sont donc les particularités et les précautions à prendre ?
Qu’est-ce qui change en altitude ?
Par rapport au niveau de la mer, ce qui change en altitude est la pression de l’air :
- L’air est moins dense
- Il y a moins de molécules pour un volume identique
- La pression de chaque gaz constitutif de l’atmosphère (azote, oxygène, argon, gaz carbonique, eau,…) est plus faible
- Comme il y a moins de molécules de gaz, elles se déplacent plus vite
Imaginons que vous habitiez au bord de la mer et vous partez en vacances à la montagne, à une altitude assez élevée. Vous allez probablement être un peu essoufflé(e). En effet, comme il y a moins d’oxygène pour un même volume d’air inspiré, le corps compense en vous faisant respirer plus vite. Votre cœur va aussi battre un peu plus vite pour faire circuler le sang plus rapidement. Si votre séjour se prolonge plusieurs semaines, votre corps va s’adapter. Mais nous nous éloignons du sujet de cet article.
En altitude, pour un même volume d’air, il y a donc:
- Moins de molécules d’oxygène
- Moins de molécules d’eau (sous forme de vapeur)
Incuber en altitude
Vous comprenez donc maintenant quels sont les paramètres d’incubation que l’altitude va influencer :
- L’aération et la ventilation qui doit assurer un apport suffisant d’oxygène
- L’humidité puisque l’air y est plus sec
En fait, la composition de l’air ne change pas; il y a toujours :
- 78% d’azote
- 21% d’oxygène
- 9% d’argon
- 03% de gaz carbonique
- Et le reste d’autres gaz comme la vapeur d’eau
En altitude, il y a moins d’oxygène
Ce qui est donc modifié, c’est que tout est plus dilué. Une même quantité d’oxygène va occuper un volume beaucoup plus grand.
Dès 600m d’altitude, on note déjà des résultats d’incubation moins bons: des embryons plus petits et une mortalité accrue en fin d’incubation.
En altitude, il y a moins d’eau
Eh oui, tous les gaz qui composent l’air sont dilués, même la vapeur d’eau. On peut donc observer qu’une même quantité d’eau occupe un volume d’air plus grand quand l’altitude augmente.
Ce schéma vous permet de comprendre que l’humidité relative baisse quand l’altitude augmente. A la montagne, l’air est donc plus sec.
En altitude, les gaz se déplacent plus vite
L’oxygène va donc entrer plus rapidement dans l’œuf, en passant au travers des pores.
Dans l’autre sens, le gaz carbonique et la vapeur d’eau vont sortir plus vite de l’œuf. Le risque de suffocation est plus grand.
Surveiller l’incubation en altitude
L’aération en cours d’incubation
On ne peut pas, à proprement parler, surveiller l’aération. Il faudra surtout veiller à ce que les trous d’aérations soient bien grand ouverts afin d’apporter un maximum d’air frais dans l’incubateur.
En très haute altitude, il arrive qu’on apporte un supplément d’oxygène à l’intérieur de l’incubateur. Mais pas facile, un peu onéreux et tout de même risqué ; il faut donc réfléchir à 2 fois avant de se lancer.
Ceux qui optent pour un ajout d’oxygène à l’incubateur ne dépassent toutefois pas une concentration de 25% (comparé aux 21% au niveau de la mer). Au-delà, il y a un risque réel d’explosion à la moindre étincelle provenant d’un moteur ou d’un circuit électrique situé dans l’incubateur.
L’humidité en cours d’incubation
Par tranche de 500m d’altitude, il faudra augmenter l’humidité relative de 2 à 3%, par rapport à celle qui serait utilisée au niveau de la mer.
Il va surtout devenir crucial de surveiller la perte de poids de l’œuf en cours d’incubation, de manière très régulière. Ce n’est que de cette façon-là que vous pourrez savoir si l’humidité dans l’incubateur est adéquate. Dès que la perte de poids s’écarte de la ligne calculée, il faut modifier l’humidité en conséquence.
Donc la poule devient une poule mouillée en altitude?
En lisant ce qui précède, vous vous demandez peut-être si la poule qui couve va aussi augmenter son humidité pour réussir ses éclosions. Devient-elle une poule mouillée ?
Si vous connaissez des éleveurs de poules habitant en montagne, ils vous diront sans nul doute que leur poule n’est pas plus mouillée que la vôtre.
Mais qu’est-ce que la nature a donc inventé pour s’adapter à l’altitude ?
Une poule vivant à la montagne pond des œufs dont la coquille est moins poreuse qu’un œuf pondu à la mer. (Notez que cette adaptation va s’étaler sur plusieurs générations.)
Ce n’est pas la coquille qui est moins épaisse, c’est qu’il y a moins de pores dans la coquille.
Puisque la coquille d’un œuf pondu en altitude a moins de trous, l’œuf perdra moins d’eau. Perdre moins d’eau quand l’air est plus sec, c’est une bonne nouvelle.
Il reste le risque de manquer d’oxygène qui peut provoquer la mort de l’embryon, surtout en fin d’incubation. Jusqu’à 2800m, la nature préfère réguler la perte d’eau plutôt que l’apport d’oxygène. Par contre, à des altitudes plus hautes, la coquille devient beaucoup plus poreuse — parfois même plus poreuse qu’au niveau de la mer — pour assurer un apport d’oxygène supérieur, au détriment de la perte d’eau.
NOTE : parmi la volaille domestique, certaines poules sont capables d’adapter la qualité de sa coquille après un déménagement en altitude. Mais ce n’est pas le cas de tous les oiseaux: par exemple, l’oeuf de caille n’est pas modifié suivant son lieu de ponte.
Trois scénarios d’incubation selon les lieux de ponte et d’incubation
Des œufs pondus au niveau de la mer sont incubés en altitude
Des 3 scénarios, c’est le plus mauvais. Dès 1000m d’altitude, vous pouvez déjà vous attendre à une baisse notable du taux d’éclosion : comptez 5% d’éclosions en moins tous les 300m dès 1050m d’altitude.
En effet, des œufs pondus au niveau de la mer auront un nombre habituel de pores. Placés en altitude pour incuber, ils auront tendance à perdre plus d’eau que nécessaire.
Il faudra donc compenser en augmentant l’humidité dans l’incubateur. Un taux allant jusqu’à 75% d’humidité pourrait bien être nécessaire.
De toute façon, il faudra bien surveiller la perte de poids des œufs et ajuster l’humidité en conséquence.
N’oubliez pas d’augmenter la ventilation de telle manière que l’embryon reçoive assez d’oxygène pour se développer.
Des œufs pondus en altitude sont incubés en altitude
Ce scénario devrait donner de bons résultats. En effet, les œufs pondus en altitude ont moins de pores dans la coquille. Ils vont donc perdre moins d’eau. Par contre, veillez toujours à ce que la ventilation fournisse assez d’oxygène aux embryons.
Si l’air autour de l’incubateur devait être très humide, il faudra peut-être augmenter la ventilation afin d’assurer un apport en oxygène suffisant.
Des œufs pondus en altitude sont incubés au niveau de la mer
Ce scénario-ci devrait aussi donner de bons résultats. Sachant que la coquille d’un œuf pondu en altitude a moins de pores, il faudra peut-être diminuer l’humidité pour obtenir la perte de poids idéale.
Sources
- Besch E.L., Smith A.H. et Burton R.R., The influence of high altitude on the hatching of chicken eggs, pp. 183‑186
-
Deeming, D.C., Nests, Birds and Incubators: New Insights into Natural and Artificial Incubation, United Kingdom, Brinsea Products Ltd, 2002
- Pression atmosphérique moyenne en hPa, en fonction de l’altitude de -500 m à 12400 m, s.d., [En ligne]. (Consulté le 27 juin 2017)
- Krüger B., Cactus2000: Convertisseur pour l’humidité de l’air, [En ligne]. (Consulté le 27 juin 2017)
-
Starck J.M. et Ricklefs R.E. (éds.), Avian Growth and Development, Oxford, New York, Oxford University Press, 21 May 1998 (Oxford Ornithology Series)
- Tullett S., « Incubating Eggs at High Altitudes », juillet 2013, [En ligne]
- Poultry Egg Incubation: Integrating and Optimizing Production Efficiency, [En ligne]. (Consulté le 27 juin 2017)